À Espace pour la vie, nous avons le plaisir de collaborer avec des spécialistes d’horizons divers. Deux jours après son passage à Tout le monde en parle, nous avons pu rencontrer Sasha Luccioni alors qu’elle visitait l’Insectarium, qu’elle surnomme affectueusement son « happy place ». Nous en avons profité pour lui poser quelques questions sur son travail, et sur son engagement à préserver la biodiversité.
L'intelligence artificielle peut-elle être au service de la biodiversité?
Comment en êtes-vous venue à collaborer avec l’Insectarium?
C’est dans le cadre de mon ancien rôle à l’Institut de recherche en intelligence artificielle Mila que j’ai rencontré l’équipe de l’Insectarium. Le musée était alors en reconstruction et ils souhaitaient lancer une application pour reconnaître et identifier les papillons. Cette fonctionnalité de l’intelligence artificielle (IA) maintenant intégrée à l’application Espace pour la vie, permet d’identifier les papillons photographiés lorsqu’on se trouve dans le Grand Vivarium.
D’ailleurs, un ami m’a dit qu’il s’amusait à prendre des photos de lui avec l’application pour voir quel papillon sera proposé. Ce qui est intéressant, c’est qu’il y aura toujours un papillon qui sera généré. Et c’est un peu le genre d’idées créatives qui me vient en tête lorsque je pense à des projets en lien avec l’IA.
Donnez-moi des exemples de ces projets...
À l’image de cette application, j'aimerais développer des projets qui utilisent l'IA pour sensibiliser les gens à la biodiversité. Par exemple, une cabine photo qui te montrerait à quel insecte tu ressembles en fonction de la couleur de tes vêtements. Ou encore, une exposition interactive où les visiteurs et visiteuses partagent une histoire ou leur vision de la biodiversité et l'IA génère des images ou des vidéos illustrant leurs propos.
En parlant de se connecter à la nature, qu'est-ce qui est fait ou pourrait être fait pour préserver la biodiversité avec l'aide de l'IA?
Un des problèmes de la surveillance de la biodiversité, c’est qu’on a uniquement des données, des photos et des observations dans les endroits où il y a beaucoup de monde, comme en ville ou en campagne, mais on n'en a pas beaucoup, par exemple, dans le Grand Nord. Il y a des endroits très bien documenté, comme en Allemagne, dont les données enregistrées sur les papillons remontent à 1840 et ces données sont essentielles, car elles nous permettent d’évaluer les effets des changements climatiques sur les écosystèmes et proposer ensuite des solutions aux gouvernements.
Pour remédier à ce manque d’informations, des scientifiques ont développé les stations automatisées de surveillance de la biodiversité. Alimentées par l'énergie solaire, elles permettent de collecter des données dans des lieux peu fréquentés. Ces stations génèrent et traitent une grande quantité de données standardisées et fiables.
Ainsi, on peut utiliser l'IA pour récolter des données et aider les scientifiques à démontrer que la biodiversité est en déclin. Elle nous aide à développer des solutions pour une gestion durable des habitats locaux.
Il y a aussi des outils accessibles à tous et à toutes qui ont la capacité de nous rapprocher de la nature comme eButterfly et iNaturalist, lesquels ont des outils d’identification de la biodiversité générée par l’IA.
Est-ce qu’il y a de bonnes ou de mauvaises utilisations de l'IA, sous l’angle de l'empreinte écologique?
Ce n’est pas tout noir ou tout blanc, c'est vraiment du cas par cas. Il faut réfléchir au contexte et considérer les alternatives. On peut comparer, par exemple, avec des moyens de transport. Est-ce que je prends ma voiture, le vélo ou le transport en commun? Cela va dépendre de ma condition physique, de mon environnement et de mon lieu de destination.
Il faut vraiment réfléchir aux usages et à nos objectifs. Par exemple, si on veut faire des calculs, il faut utiliser une calculatrice... Toutefois, si on a besoin d’explications pour comprendre le calcul, l’IA sera utile.
Voici l’exemple d'un très mauvais usage de l’IA : utiliser ChatGPT comme simple moteur de recherche. Cela demande énormément d’énergie, et ce n’est pas nécessaire. D’un autre côté, c’est utile pour générer quelque chose de nouveau. J'ai souvent recours à des alternatives d’IA de codes sources ouverts, tels que huggingface.co/chat, pour m’aider à trouver des titres intéressants pour les articles que j'écris.
Quel serait le meilleur développement pour l’IA? Le meilleur avenir?
Je pense que le meilleur avenir pour l'IA est celui où les innovations sont partagées et ouvertes. Les géants du web ont tendance à garder leurs modèles privés, ce qui freine l'innovation et la progression de la science. Il faut que la science soit ouverte pour que nous puissions reproduire les résultats, les critiquer et les améliorer. C'est pourquoi je privilégie l'utilisation de codes sources ouverts et que je collabore avec des organisations comme Espace pour la vie.